Un emplacement stratégique, un cinéma mythique et une architecture atypique, trois bons ingrédients que l’architecte Farid Azib a combiné pour une réminiscence réussie. Le nouvel équipement multifonction prend ainsi ses marques et revit après divers changements.
Par Sipane Hoh
Situé face au quai Amiral-Antoine-Sala sur la rive droite de l’Adour, non loin du pont Saint-Esprit qui rejoint le centre-ville, le projet qui avait besoin d’un remaniement complet, présente de multiples qualités. La mission a été confiée à Farid Azib qui a regroupé et réaménagé les deux salles dont une représentant une extension de 200 places dans l’ancien garage du bâtiment adjacent.
Géré par l’association Cinéma & Cultures, l’Atalante, cinéma d’art et essai, fait partie d’un grand projet de réhabilitation qui englobe tout un quartier. En effet, l’ensemble devenu désormais un pôle important de la culture bayonnaise, vient enrichir, avec sa métamorphose, une fraction de ville connue pour ses édifices historiques, telles que la citadelle édifiée par Vauban à la fin du XVIIe siècle, la synagogue datant de 1836, mais aussi d’autres constructions typiques caractéristiques qui forgent l’identité de la ville.
Un travail fin et délicat
L’architecte nous apprend que dès sa première visite, il a eu conscience qu’il fallait, à tout prix, concilier le caractère historique du site avec une architecture qui puisse respecter l’existant, tout en apportant une touche de nouveauté. Une tâche complexe, d’autant plus qu’il s’agissait d’un programme composite qui regroupait plusieurs opérations, comme la réhabilitation, la mise aux normes, la restructuration mais aussi l’extension. Farid Azib, égal à lui-même, a donc entamé un travail fin et délicat qui s’adapte à l’ancien, le met en valeur, tout en se distinguant avec élégance et tact. Il fallait selon l’homme de l’art : « un juste équilibre à atteindre entre le respect du patrimoine, l’esprit des lieux et la dynamique créative nécessaire à l’élaboration d’un site culturel, théâtre de propositions esthétiques, d’émotions, de réflexions et de débats qui cimentent notre présent et animent nos lendemains. »
C’est ainsi qu’en se baladant dans la ville, en regardant ses façades, en s’inspirant de l’architecture existante, Farid Azib a concocté une architecture aux traits épurés, aux formes géométriques et surtout à l’allure fière et identifiable de tous. Par ailleurs, l’architecte explique que les façades des édifices de Bayonne sont constituées d’ouvertures et de fenêtres donnant sur l’Adour racontant diverses histoires et montrant une pluralité de situations. C’est ainsi que, petit à petit, l’idée de la façade a fait son chemin dans l’esprit de l’architecte. Ce dernier a trouvé même une certaine analogie entre les cadrages de la ville et le cinéma qui constitue le sujet essentiel de son intervention. Comme un réalisateur de film qui doit être à la fois un chef d’équipe, un créateur averti et un technicien chevronné, l’architecte a créé la nouvelle façade de l’Atalante. Il s’agit d’un écran à l’architecture surprenante qui oscille entre modération et extravagance, une interface entre l’extérieur et l’intérieur, le réel et l’imaginaire. L’ensemble reste, malgré son côté singulier, en harmonie avec les façades des maisons alentours. Notons, par ailleurs, que la façade qui donne sur la rue est constituée de volumes prismatiques en saillie, réalisés avec des éléments préfabriqués légers, tandis que la façade arrière qui suit le même procédé, tend, dans son expression, vers plus de discrétion et de sobriété.
Ouvert sur la ville
Grâce au jeu de la façade sur rue, l’intérieur est doté de multiples perspectives ouvertes sur la ville, comme si chacune des fenêtres cadrait un interlude urbain à part entière. Notons également que les différentes activités internes, comme les films et les musiques, génèrent beaucoup de bruit. Il fallait donc prendre en considération ce point important en préservant le voisinage, mais aussi les deux nouveaux appartements installés au sein de L’Atalante. Le rôle de l’acousticien était donc primordial, tout comme les autres contraintes liées au passage du site en zone sismique de niveau 3. Plusieurs problématiques que les architectes ont géré avec habileté pour un résultat remarquable.
Des détails soignés
Parmi les diverses solutions appliquées contre le bruit, nous pouvons citer les salles de cinéma et du bar-restaurant musical qui ont été conçues comme des boîtes étanches et des dispositions permettant d’éviter toute fuite sonore : le doublage acoustique, le double mur indépendant, le double châssis menuisé désolidarisé de la structure, ainsi que les planchers et leurs dalles ont été traités séparément. D’autres procédés comme le filtrage des très basses fréquences et des dispositifs de parois dimensionnées, ainsi que la création des sas acoustiques pour toutes les issues, montrent le souci de l’architecte de procurer le bien-être à tous.
La nouvelle salle de cinéma est accessible de plain-pied. Elle comprend 207 places et 6 autres pour des personnes à mobilité réduite. L’architecte souligne qu’il a souhaité préserver le confort des salles d’art et essai par rapport à celui des cinémas commerciaux C’est pourquoiil a prévu des dimensions d’écrans généreuses, des espaces entre les différents fauteuils et des dégagements de tête confortables. Par ailleurs, les deux logements livrés bruts sont superposés sur deux niveaux et sont ouverts sur la ville et les rives de l’Adour. On y accède par l’arrière de l’édifice à travers une cage d’escalier et un ascenseurdédiés. Tout a été minutieusement étudié, ciselé, pour offrir un nouvel équipement dont la ville sera fière. Une nouvelle histoire commence ainsi pour l’Atalante !
Toutes les photos : © Luc Boegly